leogut

L’empire du Songhaï.

il y a 4 ans
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leogut (clôturé) il y a 4 ans

Songha


Songha marchait en silence, les yeux baissés, essayant de se concentrer sur le petit nuage de poussière jaune que soulevaient ses pieds nus. Il fallait à tous prix qu’elle oublie la douleur, la soif, les mouches qui bourdonnaient autour d’elle et que, de ses mains liées, elle ne pouvait chasser. Il fallait aussi qu’elle repousse les images qui, sans cesse, revenaient.

Ravalant ses larmes, elle dirigea son regard vers l’horizon. Le paysage avait changé depuis le matin. La végétation s’était faite plus rare, le sol plus sec et rocailleux. Même le ciel semblait d’un bleu plus clair, presque blanc. A l’est, dans le lointain, se découpait la silhouette de collines qu’elle ne connaissait pas. D’ailleurs, depuis des heures maintenant, elle ne reconnaissait plus rien. Jamais elle n’était remontée si haut vers le nord et ces contrées réputées aussi dangereuses qu’inhospitalières.

La tête de la caravane entama l’ascension d’une colline et la corde se tendit, meurtrissant un peu plus ses poignets. Le regard cloué au dos du garçon qui marchait devant elle, elle s’appliqua à mettre un pied devant l’autre et à recommencer… Encore et encore.

Il faisait chaud. De plus en plus. Même les bêtes en souffraient, les chevaux en tous cas. Ils avançaient en soufflant bruyamment, secouant la tête pour chasser les insectes qui venaient se poser sur leurs naseaux ou leurs paupières.

Le garçon qui la précédait était nu, tout comme elle et la plupart des autres captifs. Elle ne le connaissait pas. Ce qui semblait indiquer que cette razzia était une opération d’envergure. Son village n’avait certainement pas été le seul à être attaqué, comme le confirmait le nombre de dromadaires et de prisonniers qui marchaient en file indienne, soulevant une poussière safran que le vent brûlant rabattait violemment, giflant les bêtes comme les hommes. La veille, en fin d’après-midi, une caravane moins importante les avait rejoints. Et puis une autre, ce matin encore.

Son pied glissa sur un silex et Songha dût se mordre la lèvre pour ne pas crier quand elle sentit sa peau se déchirer une fois de plus. Un nouveau vertige la submergea et elle lutta pour rester consciente. Car, à plusieurs reprises, brûlée par la fièvre, elle s’était perdue dans des limbes où plus rien n’empêchait les images de la hanter.

Alors revenaient les cavaliers, drapés de bleu et de noir, grimaçants comme des diables et armés de mousquets et de sabres. Encore une fois, ils arrivaient avec l’aube, masse galopante et hurlante, marée guerrière envahissant l’espace entre les huttes de terre. Et à nouveau elle était là, sa jarre sur l’épaule, pétrifiée devant la case qu’elle partageait avec Oum, son jeune époux. Elle sentait alors la terreur la reprendre comme ce matin-là, deux jours plus tôt, et ses mains se remettaient à trembler.

Le cavalier au grand cheval blanc descendait de selle et s’avançait vers elle. Alors, sortant de la case, Oum bondissait et lui enfonçait sa sagaie dans la poitrine avant de se tourner vers un autre agresseur, son sabre à la main. Et il lui criait de courir vers le lit du ruisseau à sec, de ne pas se retourner.

De toutes ses forces, elle avait couru, des larmes plein les yeux, les lèvres tremblantes. Et puis, malgré les recommandations d’Oum, elle s’était retournée. Elle avait vu son époux qui, fidèle à sa réputation de guerrier, éclaboussé de sang, frappait, taillait, résistant de son mieux à la pression de trois envahisseurs. Se protégeant derrière son bouclier de cuir et de bois, vêtu d’un simple pagne qui soulignait sa puissante musculature, il faisait même plus que cela. Il prenait l’avantage. Pas à pas, il faisait reculer ses adversaires.

Et puis, comme à chaque fois, retentissait la détonation, et Songha voyait Oum se figer, le bras encore levé, prêt à frapper, face au cavalier immobile qui, monté sur son étalon bai, le regardait, le pistolet à pierre encore fumant dans la main droite. Elle voyait alors son époux, avec une grâce presque féminine, plier les genoux et, très lentement, s’affaler sur le sol.

La jeune femme ressentait encore cet effroi qui l’avait glacée quand un autre homme, vêtu d’une gandoura bleue, avait craché sur son corps avant de lui trancher la gorge.

De ce qui avait suivi, elle n’avait gardé que peu d’images. Terrifiantes certes, mais peu nombreuses. Le cavalier galopant vers elle alors qu’elle tentait de reprendre sa course, le visage grimaçant de l’homme qui la giflait après qu’elle l’eut mordu, la bague en argent sur le poing qui percutait son visage… ensuite, elle avait fermé les yeux…

Par contre, elle n’avait pu faire abstraction des sons, des odeurs et des contacts. Ils étaient là, tapis dans un coin reculé de son cerveau, dans l’attente d’un relâchement de sa part. Alors, ils revenaient la brûler comme des braises incandescentes. Et les larmes aussi. Elle ne savait plus si elle pleurait la mort de Oum, ou…ce passage abject et indélébile de son existence.

L’âpre odeur de sueur envahissait à nouveau ses narines, les mains dures revenaient la forcer. Les rires gras de ses tortionnaires, leurs ahanements bestiaux, emplissaient ses oreilles et la bile remontait dans sa gorge.

Songha, celle qu’avaient élevé ses parents, celle qu’avait aimé Oum, la douce et souriante Songha était morte. Aussi sûrement et définitivement que si sa gorge avait été tranchée par l’homme à la gandoura bleue. Une autre jeune femme avait pris sa place. Une femme qui avait dans la bouche le goût du sang, qui savait la douleur de l’humiliation.

Et qui voulait y survivre.

...

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saladedefruits il y a 4 ans

Le début est prenant, attendons la suite ;)

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api512 il y a 4 ans

Bonsoir,

Je viens pour connaître la suite...Disponible?
Patrick

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leogut (clôturé) il y a 4 ans

Citation de api512 Bonsoir,

Je viens pour connaître la suite...Disponible?
Patrick


Merci beaucoup de me lire. Je poste la suite.

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leogut (clôturé) il y a 4 ans

Citation de saladedefruits Le début est prenant, attendons la suite ;)

La voilà :-)... mais tu l'as déjà lue... et corrigée.



Les buses tournoyaient dans le ciel vibrant de chaleur. Quelque part, à l’est, une charogne devait achever de se décomposer. Les cris des rapaces déchiraient le silence uniquement troublé par le souffle du vent.

Ismaïl s’accroupit à l’ombre d’un piton et s’autorisa une gorgée d’eau. Du regard, il scrutait le plateau balayé par les traînées de poussière jaune. La caravane, à cette distance, était insignifiante dans ce décor gigantesque. Une mince chenille que seul un œil aiguisé comme le sien arrivait à distinguer entre les rafales de vent brûlant. Légère trace dans le sable, microscopique à l’échelle des falaises et des pitons rocheux aux formes torturées qui jetaient leurs ombres gigantesques en travers de son chemin.

Le temps changeait. Le voyageur avisé devait, dès à présent, se pré;occuper de trouver un abri. Car le ciel qui avait été presque blanc dans la matinée, après avoir pris la teinte du safran en milieu de journée, était à présent d’un rouge de plus en plus sombre. La tempête menaçait. Et qu’Allah ait pitié des imprudents qui se feraient surprendre en terrain découvert. Oui, la pitié de Dieu, ce serait la seule chose qui pourrait alors les sauver.

Ismaïl n’était pas concerné. Ces terres arides, sèches et austères, il les connaissait mieux que quiconque. N’était-ce pas pour cela qu’il avait été choisi, lui, pour servir de guide à cette expédition ? Un sourire étira ses lèvres minces et il plissa les yeux de plaisir à l’évocation de ce jour béni où les cavaliers avaient fait leur entrée dans Erfoud.

Erfoud. Perle du Tafilalet. L’un des points de passage obligé pour les nombreuses caravanes qui commerçaient avec les tribus du Mali et du Niger. La porte du Sahara. Village de terre, coincé entre la chaîne tourmentée de l’Atlas et les dunes sablonneuses du désert. Ramassis de cahutes agglutinées autour d’un ksar aux murs ocre et fortifiés. Point de rencontre de toutes les ethnies. Berbères, touaregs, arabes, tous s’y croisaient et y respectaient un semblant de trêve dans leurs incessantes guérillas. Car ici on commerçait. Chevaux, dromadaires, esclaves, or ou argent, sel, ivoire… Tout pouvait se trouver à Erfoud. A condition, bien entendu, d’avoir les moyens de payer.

Les portes du ksar avaient été ouvertes dès les premières lueurs de l’aube. C’était jour de souk et la place du marché était déjà bondée.

De nombreuses tentes avaient été édifiées le long du rempart ouest de façon à bénéficier de la fraîcheur de l’ombre pendant une partie de la matinée. Des étalages de dattes, de figues sèches ou de barbarie se succédaient entre les boutiques d’épices et les établis des fkis et autres rebouteux qui, pour quelques piécettes, arrachaient une dent, réduisaient une fracture ou prescrivaient des infusions contre tous les maux. L’odeur du cumin se mêlait agréablement aux effluves de la viande de chèvre qu’un chouheï faisait griller lentement sur un feu de charbon de bois de l’autre coté de la place.

Ismaïl était rentré depuis deux jours d’un périple dans le sud qui l’avait mené jusqu’à Gueltat Zemmour. Il en avait ramené une caravane égarée en territoire hostile et en proie à d’incessantes attaques de pillards. Comme à son habitude, et grâce à sa parfaite maîtrise de la plupart des dialectes de la région, il avait négocié pied à pied le droit de passage du convoi. Malgré son jeune age, il savait que souvent la discussion ouvrait des portes que les armes n’arrivaient pas à forcer.

A présent, assis à l’ombre d’un palmier dattier, la bourse gonflée de pièces d’argent durement gagnées, il lézardait, les yeux mi-clos, en observant distraitement la foule des promeneurs qui traînait entre les étals. Il buvait à petites gorgées le verre de thé, presque noir, que Nourredine lui avait apporté avant de s’asseoir à ses cotés.

Il le connaissait depuis l’enfance. Berbère comme lui, il avait la peau mate, l’œil sombre et le cheveu noir. Il était aussi râblé et musculeux qu’Ismaïl était grand et mince. C’était un fougueux. Un de ces hommes qui trouvaient toujours de la force en eux, même dans les pires situations. Mais, et il le reconnaissait lui-même, il avait besoin de quelqu’un pour canaliser cette énergie, cette ardeur qu’il mettait en toute chose.

C’était le rôle qu’il avait confié au sage Ismaïl, le grand guerrier aux yeux clairs, à la peau blanche et aux lèvres minces. Car, aussi loin qu’il eut pu se souvenir, et quel qu’ait été le problème à résoudre, celui-ci avait toujours une solution pertinente à proposer. Pour cela, et en plus de la sincère amitié qu’il lui portait, Nourredine lui vouait une admiration sans bornes.

En ce milieu de matinée de fin d’hiver, la chaleur était déjà insupportable. Mais les badauds n’en semblaient nullement incommodés, habitués qu’ils étaient aux rigueurs du climat sous ces latitudes. Ils allaient et venaient, d’un étal à un autre, d’une tente à une échoppe, discutaient les prix avec force gesticulations et éclats de voix, riaient aux plaisanteries des commerçants. Les femmes se masquaient pudiquement le visage aux compliments des hommes et souriaient des yeux. Un jour de souk ordinaire à Erfoud. Rien de particulièrement intéressant pour les deux jeunes hommes désoeuvrés.

Et puis, la foule se fendit devant les cavaliers et Ismaïl plissa ses yeux clairs.

Au nombre de cinq, montés sur de magnifiques chevaux Barbes, de ceux que l’on élevait de l’autre coté de l’Atlas, ils étaient richement mais sobrement vêtus. Des guerriers de haute lignée, à n’en pas douter. Les trois qui chevauchaient en tête étaient arabes. De fiers seigneurs, grands et solidement bâtis, qui par leur prestance imposaient le respect et la crainte. Les deux autres étaient des géants au teint pâle et aux cheveux clairs. Des roumis (infidèles).

Ismaïl en avait entendu parler. Il se disait qu’il y en avait un certain nombre, convertis à l’Islam ou simples mercenaires venus d’Andalousie pour s’enrôler dans l’armée du sultan Ahmed el Mansour. Mais c’était la première fois que le jeune berbère avait l’occasion d’en voir.

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leogut (clôturé) il y a 4 ans

Citation de saladedefruits Le début est prenant, attendons la suite ;)



Javier Estevez Garrido était un catholique convaincu. Il ne s’était pas, comme Fernando Escobar Palacios, qu’on appelait à présent Ibrahim, converti à l’Islam. Il n’était pas là, comme lui, par idéal où pour défendre une cause quelconque. Non, lui n’avait que faire d’aller évangéliser les tribus subsahariennes. Peu lui importait que ces gens soient chrétiens, musulmans ou païens. Ce qui comptait avant tout c’était qu’ils soient riches. Et c’était ce que lui avait confirmé le pacha Djouder, cet eunuque espagnol et musulman qui commandait la troupe des dix mille marocains stationnés du coté de Merzouga.

Javier était un soldat. Un bon soldat. De ceux qui ne savaient faire qu’une chose : se battre. Des Amériques où il avait combattu les indiens, il avait ramené un butin plus que conséquent avec lequel il avait acheté une exploitation agricole dans la région de Grenade. Exploitation qu’il avait été incapable de diriger et qui avait englouti la totalité de son pécule. Il s’était alors vu obligé de reprendre le métier des armes que, de toutes façons, il préférait, et de loin, à celui de propriétaire terrien. Il avait alors combattu les anglais, sur terre comme sur mer, un peu les français et les arabes, avant d’être approché par cet homme, Gaspar Fernandez Hoyo, un soir de beuverie dans une taverne de Cadix.

C’était une de ces nuits d’hiver où le froid calme les ardeurs guerrières des plus grands soldats. Une pluie fine, froide et continue, tombait sur les ruelles sinueuses de la ville, faisant luire le pavé à la lumière des lampes à huile. Les tavernes et les cabarets du port étaient bondés. Marins, soldats, truands et maquereaux se côtoyaient dans le même souci de faire passer au plus vite ces jours glacés, à grands coups de vino tinto, d’eau de vie et de bière.

Les prostituées de la rade faisaient des affaires en or, aidées en cela par les proxénètes qui n’hésitaient pas à détrousser les naïfs désarmés qu’elles entraînaient dans les impasses non éclairées. Car Cadix, comme toutes les villes où se croisaient autant de navires d’origines différentes, était un endroit dangereux.

Mais Javier Estevez était un homme d’expérience. Cela se lisait sur son visage buriné. Et, si cela n’était pas suffisant, le détrousseur en mal de victime n’avait qu’à laisser traîner ses yeux sur les deux pistolets à pierre et le sabre d’abordage qu’il portait à la ceinture pour décider de ne pas s’en prendre à lui. D’ailleurs, en général, un simple regard suffisait à faire réfléchir le brigand.

Ce soir là donc, il était assis au fond de la salle principale de la Casa Matteo, une grande chope de bière et une bouteille d’aguardiente posées sur la table devant lui, le bras passé autour de la taille d’une grosse fille outrageusement fardée que, l’eau de vie aidant, il trouvait de plus en plus jolie. L’auberge puait l’alcool, la sueur et la friture. La fumée des lampes à huile et des pipes à tabac, qui commençaient à être à la mode, achevait de troubler la vision du plus grand nombre, déjà bien entamée par la boisson et la fatigue.

Javier, lui, était éméché… Mais il n’était pas ivre. Jamais il ne se laissait aller jusqu’à de telles extrémités. C’était une règle qu’il s’imposait. Il avait vu trop d’hommes réputés invincibles se faire tuer bêtement parce qu’incapables de se défendre en raison de leur ivresse. Lui s’était juré que, s’il devait mourir un jour de mort violente, se serait au combat, une arquebuse ou un sabre à la main et sur un champ de bataille.

C’était à cela qu’il pensait, assis le dos appuyé au mur mité de la Casa Matteo, la chope de bière dans la main gauche, l’énorme sein de la grosse fille de joie dans la droite et les talons de ses bottes calés sur le rebord de la table. Il chantait avec les autres la chanson de Paloma, triste histoire d’une paysanne venue à la ville épouser le beau Manolo qui s’était révélé être un proxénète. La clientèle de Matteo n’avait cure de la tristesse et de la honte de la pauvre Paloma. Tous, marins, soldats, dockers, truands, escrocs et putains reprenaient en cœur le refrain qui racontait avec force détails les tourments de la jeune fille.

Javier aimait cette chanson. Il lui trouvait une morale : Celui qui se prenait à rêver d’un paradis terrestre risquait à tous moment de voir brûler ses illusions au bûcher de la dure réalité. Paloma pouvait toujours pleurer, il en souriait à chaque fois.

Il en était là de ses réflexions quand l’homme s’était approché. De petite taille, les yeux chassieux, le visage émacié surmonté d’un épais buisson de cheveux noirs, il se dégageait quelque chose d’inquiétant de sa mince silhouette. Il portait une cape noire dont la capuche pendait entre ses omoplates et était sobrement vêtu d’une tunique de toile épaisse et de couleur sombre à la ceinture de laquelle pendaient une superbe dague en acier de Tolède et une bourse de cuir souple que l’on devinait lourde et gonflée.

- Bonsoir Don Estevez. Puis-je m’entretenir avec vous d’un sujet qui, je le crois sincèrement, devrait vous intéresser ?

Javier le dévisagea longuement avant de répondre. C’était une autre des règles qu’il s’efforçait de respecter : toujours prendre le temps de la réflexion quand cela était possible. Son caractère impulsif, en d’autres circonstances, lui avait valu nombre de déboires desquels il se serait fort bien passé. Et, comme il était homme à tirer des leçons de ses erreurs, il s’obligeait maintenant à ce temps de réponse qu’il modulait en fonction des situations. Cela avait par ailleurs l’avantage d’incommoder la plupart de ses interlocuteurs et c’était un atout à ne pas négliger.

L’homme debout devant lui n’avait cependant pas l’air de s’en formaliser outre mesure.

- Je me présente : Don Gaspar Fernandez Hoyo, aide de camp du Djouder.

- Le Djouder ? Qu’est- ce donc que cela ?

Fernandez Hoyo sourit et son visage ingrat s’en trouva encore plus contrefait.

- Le Djouder oui. Le commandant en chef des armées du sultan Ahmed El Mansour.

Javier eut un sourire méprisant et se versa une large rasade d’aguardiente.

- Que de noms barbares !… Vous m’avez pourtant l’air d’être castillan et bien chrétien. Ou alors êtes-vous vous-même l’un de ces barbares mahométans comme j’en ai pourfendu des dizaines ?

Le sourire de l’homme déforma encore plus sa face chafouine. Mais seule sa bouche riait. Ses yeux sombres n’essayaient même pas de cacher la colère que le ton volontairement provoquant de Javier faisait monter en lui.

- Permettez-moi donc de m’asseoir et de vous expliquer cela. Bien entendu, votre jeune épouse ne devra en aucun cas assister à notre conversation…

Sa jeune épouse ? Mais de quoi parlait ce gnome ?... Pendant une seconde il ne comprit pas l’allusion, et puis son regard se posa sur la grosse fille ivre de bière assise à ses cotés qui, les yeux vitreux et le corsage ouvert sur sa large poitrine, continuait à hurler à tue-tête les derniers couplets de la Paloma... Sa jeune épouse ?

Sa main droite tomba sur la crosse de son pistolet dans le même temps que son regard croisait celui de Gaspar Fernandez Hoyo. Et, à présent, ses yeux riaient aussi. La colère de Javier retomba aussi vite qu’elle était montée, et il partit d’un grand éclat de rire.

- Vous avez de la répartie señor… Et je crois bien que je l’ai mérité.

Toujours souriant, il se tourna vers la fille de joie et lui jeta quelques pièces.

- Toi ! La putain ! Vas donc te trouver un autre canard à plumer ! J’ai à m’entretenir d’une affaire importante avec mon ami l’aide de camp du Djouder.

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bealegs il y a 4 ans

Belle plume, recits enivrants

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leogut (clôturé) il y a 4 ans

Citation de bealegs Belle plume, recits enivrants

Merci beaucoup. J'apprécie vraiment.

Modifié il y a 4 ans, le mercredi 19 février 2020 à 13:24


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