arthur_rambo

Banksy....

il y a 5 ans
Auteur Message
Photo de savanee
savanee il y a 2 ans

hello Arthur ...
partage du petit matin ....


bizzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzz

Photo de arthur_rambo
arthur_rambo il y a 2 ans

Citation de savanee hello Arthur ...
partage du petit matin ....


bizzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzz

Salut Savane...

C'est vraiment bien construit..

entre le son et l'image...

l'adéquation...

Merci Ma Dame...

histoire du soir....?



bizzzzz buzzzzz itoo..

Photo de arthur_rambo
arthur_rambo il y a 2 ans

suivie ...

d'histo d' ivoire..

;-)

Photo de arthur_rambo
arthur_rambo il y a 2 ans

mais aussi de plus haut..!

Photo de savanee
savanee il y a 2 ans

Citation de arthur_rambo Salut Savane...

C'est vraiment bien construit..

entre le son et l'image...

l'adéquation...

Merci Ma Dame...

histoire du soir....?



bizzzzz buzzzzz itoo..

hello Arthur ...
partage d'un symphonie matinale ...
bizzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzz

Photo de arthur_rambo
arthur_rambo il y a 2 ans

Citation de savanee hello Arthur ...
partage d'un symphonie matinale ...
bizzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzz



Salut Savane...

j'ai beaucoup..
tellement du comment dire.
aimé ..

"je dis ça...
pour me faire peur..."

Photo de savanee
savanee il y a 2 ans

Citation de arthur_rambo Salut Savane...

j'ai beaucoup..
tellement du comment dire.
aimé ..

"je dis ça...
pour me faire peur..."



tellement vrai.... alors que maintenant on doit mettre de la distance entre nous ...
"ne plus nous étreindre" qu'ils disent ...
pourtant toujours des naissances .... lol
nous sommes indisciplinés ....
fort heureusement ...!!!!
tres bien cet album de Cabrel ...
hello Arthur ...

bizzzzzzzzzzzzzzzzzzzz

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arthur_rambo il y a 2 ans

Citation de savanee tellement vrai.... alors que maintenant on doit mettre de la distance entre nous ...
"ne plus nous étreindre" qu'ils disent ...
pourtant toujours des naissances .... lol
nous sommes indisciplinés ....
fort heureusement ...!!!!
tres bien cet album de Cabrel ...
hello Arthur ...


bizzzzzzzzzzzzzzzzzzzz

Hmmmm...!

c'est tout doux..
c'est tout bon....
t'sais comme ...
la découverte...
du goût..
amer...
des oranges vertes...

je t'adore..

Modifié il y a 2 ans, le dimanche 16 janvier 2022 à 04:54

Photo de arthur_rambo
arthur_rambo il y a 2 ans

@savanee @fouthese

Un texte que j'ai découvert ...
cet aprem ...
un texte super bien écrit..

extrait

Hymne, de Lydie Salvayre

A partir du concert de Woodstock où Jimi Hendrix repris l'hymne américain devant une foule qui n'avait pas dormi depuis trois jours, Lydie Salvayre revisite, avec une force visionnaire, la légende dorée d'un musicien proprement génial.

On dit qu'il était timide.

Qu'il avait le charme efféminé des timides.

Leur douceur.
L'Express Abo
Offre limitée. 2 mois pour 1€ sans engagement
Je m'abonne

On dit qu'il approuvait courtoisement les conneries qu'on lui expliquait plutôt que d'en débattre. Qu'il était incapable de dire non. Qu'il était incapable de soutenir un regard hostile. Que lorsqu'il parlait il mettait la main devant sa bouche, comme pour s'excuser de l'ouvrir.

On dit qu'il l'ouvrait peu.

Que sa réserve était son inclination naturelle, et sa morale.

On dit qu'il ne savait pas déchiffrer la musique. Qu'il était infoutu d'écrire et même de nommer les formes musicales inouïes qu'il inventait. Que le sentiment de cette incapacité aggravait considérablement sa timidité naturelle. Que lorsqu'il se vit contraint d'avouer à Miles Davis (lequel lui avait transmis une de ses compositions en signe d'amitié), lorsqu'il se vit contraint de lui avouer qu'il ne savait pas déchiffrer sa musique, il eut envie d'entrer sous terre. Et d'y rester.

On dit que le jour où il apprit l'assassinat de Martin Luther King (il se trouvait dans un bar fréquenté par les Blancs), il garda un silence mortel lorsqu'un type gueula Bon débarras ! Que son visage resta de marbre lorsqu'un autre se mit à rugir C'est une bonne leçon pour les nègres ! Qu'il versa très lentement le sucre dans son café lorsque le barman, avec une affreuse expression de joie sur la figure, commenta Bien fait, le bamboula l'a bien cherché ! Qu'il fit tourner très lentement sa cuillère dans la tasse (sa main tremblait-elle un peu ?) lorsque ce dernier, pour faire bonne mesure, vociféra On va quand même pas se laisser chier sur la tête par des macaques ! Qu'il avala très lentement sa boisson malgré les bonds que faisait son coeur, serré comme le poing, jusqu'à sa bouche. Qu'il refoula au fond de lui une colère vieille de plusieurs siècles, une colère héritée d'un peuple qui avait appris, pour sauver ses billes, à ne pas parler inconsidérément. Mais que le lendemain de ce drame, le 5 avril 1968, à Newark, sur la scène du Symphony Hall, il rendit un hommage inoubliable à l'homme assassiné, et fit jaillir en beauté sauvage la douleur concentrée, immobile et muette qu'il avait, la veille, au prix d'un effort inhumain, contenue.

On dit qu'il ne s'aimait pas. Que sa timidité incurable venait de ce qu'il ne s'aimait pas.

Qu'il n'avait aucune assurance aucune. Qu'il demandait souvent à ses proches Est-ce qu'on me prend pour un pitre ? Est-ce que je ne suis pas ridicule avec ce chapeau ?

On dit qu'il ne sortait de sa timidité que pour être, sur scène, l'audace même.

Il fut, le 18 août 1969, l'audace même.

Il fit ceci : il s'empara de l'Hymne et il le retourna.

Il eut ce front.

Il prit ce risque.

L'hymne entonné en prélude aux allocutions du président Nixon, l'hymne qui résonnait lors des célébrations de tueries héroïques, l'hymne intouchable, l'hymne immuable, l'hymne de la superpuissance blanche classée n° 1 au hit-parade des pays producteurs de bombes : au napalm, au phosphore, à la dioxine, au graphite, tritonales, à fragmentation, à guidage laser, à sous-munitions, il y en avait pour tous les goûts, l'hymne d'amour de la patrie, car amour et patrie sont deux mots qui parfaitement s'accolent (j'ai à l'esprit un autre verbe que je n'ose pas écrire), l'hymne des braves boys qui savaient opposer leur mâle résistance à la propagation communiste avec l'aide miséricordieuse de Dieu et suivant la méthode imparable du search and destroy encore appelée civilisatrice, cet hymne-là, il s'en saisit et il le renversa.

L'hymne sacré, symbolique, scrupuleusement respecté, l'hymne régimentaire qui avait envoyé son ami Larry Lee se faire trouer la peau dans les jungles du Vietnam, l'hymne qui accueillait en fanfare les GI morts au combat, lesquels arrivaient de Saigon en emballage capitonné, car sacrifier sa vie à la lutte contre le Mal méritait amplement un emballage capitonné, la patrie reconnaissante ne reculant devant aucun sacrifice, l'hymne sanglé de la tradition, l'hymne engoncé dans son uniforme, l'hymne bêlé à l'école, en cadence, un-deux, l'hymne vidé de sa substance et braillé sur les stades Oh dites-moi pouvez-vous voir dans les lueurs de l'aube ce que nous acclamions si fièrement au crépuscule, l'hymne qu'on chantait sans l'entendre, depuis le temps, l'hymne embaumé, l'hymne empoussiéré, l'hymne pétrifié de la nation, il l'empoigna, le secoua, et aussitôt en fit jaillir une liberté qui souleva l'esprit.

C'est de The Star Spangled Banner que je parle. C'est de ce morceau si légitimement fameux que Jimi Hendrix joua à Woodstock le 18 août 1969, à 9 heures, devant une foule qui n'avait pas dormi depuis trois jours, et que j'écoute des années après, dans ma chambre, avec le sentiment très vif que le temps presse et qu'il me faut aller désormais vers ce qui, entre tout, m'émeut et m'affermit, vers tout ce qui m'augmente, vers les oeuvres admirées que je veux faire aimer et desquelles je suis, nous sommes, infiniment redevable.

Car je l'ai décidé ce matin (changerai-je d'avis dans un mois ?), je ne veux plus parler que des choses qui, véritablement, m'importent et me touchent à vif. Je ne veux plus avoir d'autres liens qu'avec ceux-là qui m'aident à vivre, connus ou anonymes, morts ou vivants, Jean Vernet, mon voisin adorable, ou Hendrix, ce génie, mue par cette illusion que, en laissant de leur vie quelques traces écrites, leur disparition sera pour moi un peu moins irrémédiable, et un peu moins triste la certitude qu'ils resteront dans mon souvenir à tout jamais irremplacés.

J'écoute l'Hymne une fois encore. Et alors que je trouve souvent je ne sais quoi de dépassé et de vieux jeu dans les romans qui firent le bonheur de ma jeunesse, le cri que lança Hendrix en jouant The Star Spangled Banner, à Woodstock, le 18 août 1969, à 9 heures du matin, ce cri me bouleverse tout comme au premier jour. Et sans qu'on puisse imputer (je l'espère) ce constat à l'étiolement de mes sens, j'ai le sentiment que je n'entends plus aujourd'hui de cri qui ait, comme le sien, ce souffle à arracher les arbres.

Car ce matin du 18 août 1969, à Woodstock, Hendrix fit entendre un cri insoutenable, insoutenablement beau, et paradoxalement libérateur.

Un cri plus fort que tous les mots, un cri d'effroi devant la vie menacée par la folie guerrière et d'espoir increvable devant la beauté.

Un cri qui déchira l'espace, un cri aux accents inconnus, un cri qui était comme une incantation aboyée dans un monde infernal, comme un sanglot terrible.

Un cri lancé au ciel.

Un cri si intense, si véhément, d'une puissance d'entraînement telle qu'il traversa l'épaisseur du temps, traversa tous les blocs de résistance qui obstruent la mémoire, jusqu'à m'atteindre, jusqu'à nous atteindre en plein coeur, et à nous traverser.

On dit que la voix d'Orphée faisait miraculeusement se coucher les bêtes.

Le cri de Hendrix fit tomber en un instant, ce matin du 18 août 1969, à Woodstock, des murs entiers d'indifférence et d'amnésie.

Il résonne encore aujourd'hui.

Et son pouvoir d'interpellation reste intact.

Mieux encore, c'est aujourd'hui peut-être, puisque le temps parfois peut apporter des roses, ainsi que le disait Carlyle à sa manière enrubannée, c'est aujourd'hui peut-être qu'il nous est le plus nécessaire.

Car où entend-on aujourd'hui un hurlement de cette portée qui se lève contre l'horreur et redonne vie à nos vies ?

Où entend-on aujourd'hui une protestation qui ait cette force à décorner les boeufs et qui soit audible par tous ?

Où entend-on aujourd'hui une conflagration de cette ampleur qui nous alarme aussi abruptement sur la démence du monde et qui nous interroge aussi abruptement sur notre maintenant ?

Le monde serait-il devenu si beau, si juste et si pacifique qu'un hurlement pareil au sien serait absurde ?

Notre vie serait-elle si heureuse que seuls quelques attardés auraient encore à s'époumoner ?

La violence se serait-elle miraculeusement dissipée ?

Ou notre abdication serait-elle si totale que nous n'aurions plus à nous insurger ?

Tout me pousse, les jours sombres, à penser que cette dernière hypothèse est peut-être la plus vraie, à force de percevoir, jour après jour, l'expression de la révolte affadie dans des livres indigents et qui manquent de soufre, déshonorée dans des chansons mises à la mode à grand renfort de pub, pervertie dans les discours politiques des pros du changement, ou, pire encore, dans les sermons édifiants de ceux, prophètes, télévangélistes milliardaires ou autres délinquants parlant au nom de Dieu, qui n'ont à la bouche que la parole amère des redresseurs de torts.

Le cri que Hendrix fit entendre à Woodstock, le 18 août 1969, à 9 heures du matin, ce cri continue aujourd'hui de crier et de défier le temps. C'est cela surtout que je voudrais dire à propos de The Star Spangled Banner. Qu'il fut un cri, un cri libre, un cri de refus, un cri de refus qui concentra tous les refus d'une jeunesse que l'avidité, la brutalité et le prosaïsme de la société d'alors révulsaient jusqu'à la nausée, un cri dont l'impact, quarante années après, vient encore fissurer la gangue de nos coeurs.

C'est cela que je voudrais dire dans ma lourdeur, plutôt que de verser dans cette admiration inoffensive et pieuse à laquelle je cède parfois, dans cette sanctification sans effets ni pouvoirs dont la musique de Hendrix est devenue souvent, me semble-t-il, l'objet.

Je voudrais dire haut la beauté de ce cri, la louer, la propager auprès de ceux qui n'ont pas eu la chance encore d'en faire, dans leur intimité, l'expérience (une expérience qu'il m'arrive d'appeler pour moi-même Expérience H, avec ce que cette formule suppose d'explosif), la porter vers eux avec cette force que je reçois d'elle depuis si longtemps et qui conduit ma main qui est en train d'écrire.

Mais ce n'est pas sans crainte que je me jette dans cet éloge. Quand je dis je me jette, cette expression donne une faible idée de mon appréhension. J'ai le sentiment, avec la musique de Hendrix, d'être véritablement jetée sur un continent autre, dans une langue autre, ailleurs, j'ai le sentiment que je m'aventure et me découvre sur le sol qui m'est le plus étranger, je veux dire loin, très loin de la littérature qui m'a toujours accompagnée.

Car, autant l'avouer d'entrée de jeu, je n'ai ni l'âge ni le goût d'être une fan de rock, et les cris suraigus des adolescentes à la vue de leur idole m'amusent autant qu'ils m'ébahissent,

je n'ai rien d'une experte en musique,

je n'en possède ni le savoir ni les armes,

je n'ai, du reste, nullement l'intention de me livrer à l'autopsie de The Star Spangled Banner,

je n'envisage pas plus de faire concurrence aux biographies savantes, ni aux inventaires fétichistes, ni aux exégèses agenouillées et toutes bardées de dates et de détails (fort utiles au demeurant).

Je voudrais simplement faire l'éloge de l'Hymne joué par Hendrix le 18 août 1969, dans cet esprit analphabète cher au philosophe Bergamín, qui désignait par là, non l'ignorance fruste, expéditive et fière d'elle-même, mais une approche démunie de toute volonté de maîtrise, de tout désir d'autorité, de tout savoir ornemental, lequel, croyant faire reculer le mystère d'une oeuvre, en manquait, disait-il, l'essentiel, une approche sans défense mais sans naïveté et qui savait s'abandonner à la beauté plutôt que de tenter d'en mesurer en vain la démesure.

Suite de l'article...

https://www.lexpress.fr/culture/livre/hymne-de-lydie-salvayre_1022321.html


Photo de fouthese
fouthese il y a 2 ans

Citation de arthur_rambo @savanee @fouthese

Un texte que j'ai découvert ...
cet aprem ...
un texte super bien écrit..

extrait

Hymne, de Lydie Salvayre

A partir du concert de Woodstock où Jimi Hendrix repris l'hymne américain devant une foule qui n'avait pas dormi depuis trois jours, Lydie Salvayre revisite, avec une force visionnaire, la légende dorée d'un musicien proprement génial.

On dit qu'il était timide.

Qu'il avait le charme efféminé des timides.

Leur douceur.
L'Express Abo
Offre limitée. 2 mois pour 1€ sans engagement
Je m'abonne

On dit qu'il approuvait courtoisement les conneries qu'on lui expliquait plutôt que d'en débattre. Qu'il était incapable de dire non. Qu'il était incapable de soutenir un regard hostile. Que lorsqu'il parlait il mettait la main devant sa bouche, comme pour s'excuser de l'ouvrir.

On dit qu'il l'ouvrait peu.

Que sa réserve était son inclination naturelle, et sa morale.

On dit qu'il ne savait pas déchiffrer la musique. Qu'il était infoutu d'écrire et même de nommer les formes musicales inouïes qu'il inventait. Que le sentiment de cette incapacité aggravait considérablement sa timidité naturelle. Que lorsqu'il se vit contraint d'avouer à Miles Davis (lequel lui avait transmis une de ses compositions en signe d'amitié), lorsqu'il se vit contraint de lui avouer qu'il ne savait pas déchiffrer sa musique, il eut envie d'entrer sous terre. Et d'y rester.

On dit que le jour où il apprit l'assassinat de Martin Luther King (il se trouvait dans un bar fréquenté par les Blancs), il garda un silence mortel lorsqu'un type gueula Bon débarras ! Que son visage resta de marbre lorsqu'un autre se mit à rugir C'est une bonne leçon pour les nègres ! Qu'il versa très lentement le sucre dans son café lorsque le barman, avec une affreuse expression de joie sur la figure, commenta Bien fait, le bamboula l'a bien cherché ! Qu'il fit tourner très lentement sa cuillère dans la tasse (sa main tremblait-elle un peu ?) lorsque ce dernier, pour faire bonne mesure, vociféra On va quand même pas se laisser chier sur la tête par des macaques ! Qu'il avala très lentement sa boisson malgré les bonds que faisait son coeur, serré comme le poing, jusqu'à sa bouche. Qu'il refoula au fond de lui une colère vieille de plusieurs siècles, une colère héritée d'un peuple qui avait appris, pour sauver ses billes, à ne pas parler inconsidérément. Mais que le lendemain de ce drame, le 5 avril 1968, à Newark, sur la scène du Symphony Hall, il rendit un hommage inoubliable à l'homme assassiné, et fit jaillir en beauté sauvage la douleur concentrée, immobile et muette qu'il avait, la veille, au prix d'un effort inhumain, contenue.

On dit qu'il ne s'aimait pas. Que sa timidité incurable venait de ce qu'il ne s'aimait pas.

Qu'il n'avait aucune assurance aucune. Qu'il demandait souvent à ses proches Est-ce qu'on me prend pour un pitre ? Est-ce que je ne suis pas ridicule avec ce chapeau ?

On dit qu'il ne sortait de sa timidité que pour être, sur scène, l'audace même.

Il fut, le 18 août 1969, l'audace même.

Il fit ceci : il s'empara de l'Hymne et il le retourna.

Il eut ce front.

Il prit ce risque.

L'hymne entonné en prélude aux allocutions du président Nixon, l'hymne qui résonnait lors des célébrations de tueries héroïques, l'hymne intouchable, l'hymne immuable, l'hymne de la superpuissance blanche classée n° 1 au hit-parade des pays producteurs de bombes : au napalm, au phosphore, à la dioxine, au graphite, tritonales, à fragmentation, à guidage laser, à sous-munitions, il y en avait pour tous les goûts, l'hymne d'amour de la patrie, car amour et patrie sont deux mots qui parfaitement s'accolent (j'ai à l'esprit un autre verbe que je n'ose pas écrire), l'hymne des braves boys qui savaient opposer leur mâle résistance à la propagation communiste avec l'aide miséricordieuse de Dieu et suivant la méthode imparable du search and destroy encore appelée civilisatrice, cet hymne-là, il s'en saisit et il le renversa.

L'hymne sacré, symbolique, scrupuleusement respecté, l'hymne régimentaire qui avait envoyé son ami Larry Lee se faire trouer la peau dans les jungles du Vietnam, l'hymne qui accueillait en fanfare les GI morts au combat, lesquels arrivaient de Saigon en emballage capitonné, car sacrifier sa vie à la lutte contre le Mal méritait amplement un emballage capitonné, la patrie reconnaissante ne reculant devant aucun sacrifice, l'hymne sanglé de la tradition, l'hymne engoncé dans son uniforme, l'hymne bêlé à l'école, en cadence, un-deux, l'hymne vidé de sa substance et braillé sur les stades Oh dites-moi pouvez-vous voir dans les lueurs de l'aube ce que nous acclamions si fièrement au crépuscule, l'hymne qu'on chantait sans l'entendre, depuis le temps, l'hymne embaumé, l'hymne empoussiéré, l'hymne pétrifié de la nation, il l'empoigna, le secoua, et aussitôt en fit jaillir une liberté qui souleva l'esprit.

C'est de The Star Spangled Banner que je parle. C'est de ce morceau si légitimement fameux que Jimi Hendrix joua à Woodstock le 18 août 1969, à 9 heures, devant une foule qui n'avait pas dormi depuis trois jours, et que j'écoute des années après, dans ma chambre, avec le sentiment très vif que le temps presse et qu'il me faut aller désormais vers ce qui, entre tout, m'émeut et m'affermit, vers tout ce qui m'augmente, vers les oeuvres admirées que je veux faire aimer et desquelles je suis, nous sommes, infiniment redevable.

Car je l'ai décidé ce matin (changerai-je d'avis dans un mois ?), je ne veux plus parler que des choses qui, véritablement, m'importent et me touchent à vif. Je ne veux plus avoir d'autres liens qu'avec ceux-là qui m'aident à vivre, connus ou anonymes, morts ou vivants, Jean Vernet, mon voisin adorable, ou Hendrix, ce génie, mue par cette illusion que, en laissant de leur vie quelques traces écrites, leur disparition sera pour moi un peu moins irrémédiable, et un peu moins triste la certitude qu'ils resteront dans mon souvenir à tout jamais irremplacés.

J'écoute l'Hymne une fois encore. Et alors que je trouve souvent je ne sais quoi de dépassé et de vieux jeu dans les romans qui firent le bonheur de ma jeunesse, le cri que lança Hendrix en jouant The Star Spangled Banner, à Woodstock, le 18 août 1969, à 9 heures du matin, ce cri me bouleverse tout comme au premier jour. Et sans qu'on puisse imputer (je l'espère) ce constat à l'étiolement de mes sens, j'ai le sentiment que je n'entends plus aujourd'hui de cri qui ait, comme le sien, ce souffle à arracher les arbres.

Car ce matin du 18 août 1969, à Woodstock, Hendrix fit entendre un cri insoutenable, insoutenablement beau, et paradoxalement libérateur.

Un cri plus fort que tous les mots, un cri d'effroi devant la vie menacée par la folie guerrière et d'espoir increvable devant la beauté.

Un cri qui déchira l'espace, un cri aux accents inconnus, un cri qui était comme une incantation aboyée dans un monde infernal, comme un sanglot terrible.

Un cri lancé au ciel.

Un cri si intense, si véhément, d'une puissance d'entraînement telle qu'il traversa l'épaisseur du temps, traversa tous les blocs de résistance qui obstruent la mémoire, jusqu'à m'atteindre, jusqu'à nous atteindre en plein coeur, et à nous traverser.

On dit que la voix d'Orphée faisait miraculeusement se coucher les bêtes.

Le cri de Hendrix fit tomber en un instant, ce matin du 18 août 1969, à Woodstock, des murs entiers d'indifférence et d'amnésie.

Il résonne encore aujourd'hui.

Et son pouvoir d'interpellation reste intact.

Mieux encore, c'est aujourd'hui peut-être, puisque le temps parfois peut apporter des roses, ainsi que le disait Carlyle à sa manière enrubannée, c'est aujourd'hui peut-être qu'il nous est le plus nécessaire.

Car où entend-on aujourd'hui un hurlement de cette portée qui se lève contre l'horreur et redonne vie à nos vies ?

Où entend-on aujourd'hui une protestation qui ait cette force à décorner les boeufs et qui soit audible par tous ?

Où entend-on aujourd'hui une conflagration de cette ampleur qui nous alarme aussi abruptement sur la démence du monde et qui nous interroge aussi abruptement sur notre maintenant ?

Le monde serait-il devenu si beau, si juste et si pacifique qu'un hurlement pareil au sien serait absurde ?

Notre vie serait-elle si heureuse que seuls quelques attardés auraient encore à s'époumoner ?

La violence se serait-elle miraculeusement dissipée ?

Ou notre abdication serait-elle si totale que nous n'aurions plus à nous insurger ?

Tout me pousse, les jours sombres, à penser que cette dernière hypothèse est peut-être la plus vraie, à force de percevoir, jour après jour, l'expression de la révolte affadie dans des livres indigents et qui manquent de soufre, déshonorée dans des chansons mises à la mode à grand renfort de pub, pervertie dans les discours politiques des pros du changement, ou, pire encore, dans les sermons édifiants de ceux, prophètes, télévangélistes milliardaires ou autres délinquants parlant au nom de Dieu, qui n'ont à la bouche que la parole amère des redresseurs de torts.

Le cri que Hendrix fit entendre à Woodstock, le 18 août 1969, à 9 heures du matin, ce cri continue aujourd'hui de crier et de défier le temps. C'est cela surtout que je voudrais dire à propos de The Star Spangled Banner. Qu'il fut un cri, un cri libre, un cri de refus, un cri de refus qui concentra tous les refus d'une jeunesse que l'avidité, la brutalité et le prosaïsme de la société d'alors révulsaient jusqu'à la nausée, un cri dont l'impact, quarante années après, vient encore fissurer la gangue de nos coeurs.

C'est cela que je voudrais dire dans ma lourdeur, plutôt que de verser dans cette admiration inoffensive et pieuse à laquelle je cède parfois, dans cette sanctification sans effets ni pouvoirs dont la musique de Hendrix est devenue souvent, me semble-t-il, l'objet.

Je voudrais dire haut la beauté de ce cri, la louer, la propager auprès de ceux qui n'ont pas eu la chance encore d'en faire, dans leur intimité, l'expérience (une expérience qu'il m'arrive d'appeler pour moi-même Expérience H, avec ce que cette formule suppose d'explosif), la porter vers eux avec cette force que je reçois d'elle depuis si longtemps et qui conduit ma main qui est en train d'écrire.

Mais ce n'est pas sans crainte que je me jette dans cet éloge. Quand je dis je me jette, cette expression donne une faible idée de mon appréhension. J'ai le sentiment, avec la musique de Hendrix, d'être véritablement jetée sur un continent autre, dans une langue autre, ailleurs, j'ai le sentiment que je m'aventure et me découvre sur le sol qui m'est le plus étranger, je veux dire loin, très loin de la littérature qui m'a toujours accompagnée.

Car, autant l'avouer d'entrée de jeu, je n'ai ni l'âge ni le goût d'être une fan de rock, et les cris suraigus des adolescentes à la vue de leur idole m'amusent autant qu'ils m'ébahissent,

je n'ai rien d'une experte en musique,

je n'en possède ni le savoir ni les armes,

je n'ai, du reste, nullement l'intention de me livrer à l'autopsie de The Star Spangled Banner,

je n'envisage pas plus de faire concurrence aux biographies savantes, ni aux inventaires fétichistes, ni aux exégèses agenouillées et toutes bardées de dates et de détails (fort utiles au demeurant).

Je voudrais simplement faire l'éloge de l'Hymne joué par Hendrix le 18 août 1969, dans cet esprit analphabète cher au philosophe Bergamín, qui désignait par là, non l'ignorance fruste, expéditive et fière d'elle-même, mais une approche démunie de toute volonté de maîtrise, de tout désir d'autorité, de tout savoir ornemental, lequel, croyant faire reculer le mystère d'une oeuvre, en manquait, disait-il, l'essentiel, une approche sans défense mais sans naïveté et qui savait s'abandonner à la beauté plutôt que de tenter d'en mesurer en vain la démesure.

Suite de l'article...

https://www.lexpress.fr/culture/livre/hymne-de-lydie-salvayre_1022321.html




Salut Arthur,

un texte remarquable à tout point de vue,assurément.
Des propos comme celui-ci sont rares mais les bienvenus !

( Lydie sait-elle que Jimi se cachait,en studio,derrière un paravent,pour chanter les textes de son premier Opus tant il avait aussi honte de sa voix ? )

( Pitingue,j'avais pas vu que t'avais posté son fameux " splangler banner " ! - - Que j'ai écouté mainte et mainte fois depuis avec un bouleversement rigoureusement identique.

Pour poster celle-ci me procurant les mêmes émotions esthétiques qu'il y a......,.........,qu'il y a.........

MA version préférée



Une comète dans mon ciel musical !

Modifié il y a 2 ans, le lundi 17 janvier 2022 à 12:33

Photo de fouthese
fouthese il y a 2 ans

And



In memorian

Photo de savanee
savanee il y a 2 ans

hello Arthur ...
partage du matin ...


bizzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzz

Photo de savanee
savanee il y a 2 ans


bonne journée ....


Participants

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