Gabrielle...
Anabelle Becket revenait de France. New-York, sous la neige, l'enchantait. Dans le restaurant, il y avait très peu de gens. Il y avait une bonne ambiance, ici, une ambiance chaleureuse. Elle aime l'endroit. Et le fils du patron qui la regarde depuis plus d'un heure rajoute au charme du lieu.
Quand elle a appris que les Bailey, anciens italiens, se mêlaient parfois à de drôles d'affaires, Anabelle s'est inquietée. Elle a voulu s'enfuir. Seulement, l'amour qu'elle éprouvait pour Lorenzo la retient avec lui. Et l'enfant qu'elle attend aussi..
Eté 1984. Gabrielle Bailey vient au monde. C'est une enfant plutôt calme. Elle grandit sans encombre jusqu'à ses huit ans. Et puis tout bascule...
Gabi est devant la porte, sur le rocking chair. Poupée à la main, elle la coiffe, doucement, tandis que sa propre mère lui nate les cheveux. Une camionette vient de s'arrêter devant le grillage. Y'a de drôles d'hommes qui en sortent et qui essayent de passer par dessus les grilles. Papa qui sort, un fusil à la main, tire partout. Maman est en panique. Elle attrape Gabrielle par la main, essaye de la faire rentrer à la maison. Papa a attrapé la chaise pour se mettre à couvert, envoyant Franny - la petite poupée de Gabi - valser au loin. C'est sûr, la petite fille ne peut pas la laisser là. Au pas de la porte, elle lâche la main de Maman, et se jete vers la poupée, au beau milieu des coups de feu.
Bam ! Maman, sur son petit corps, les yeux fixés sur le vide, la protège. Elle ne bouge plus, Maman. Et la petite robe blanche de Gabrielle est très vite devenue rouge.
Après cela, Lorenzo a voulu, tenu à la former. Gabrielle a appris à se battre, à manier une arme, à tirer, à se fondre dans la masse. C'était un entrainement commando. Elle qui était sa seule héritière se devait d'être capable de se protéger, de vivre. Après tout, maintenant que sa mère était morte, que sa femme était morte, il n'aurait pas de fils. Alors ce serait à Gabrielle de reprendre les affaires familiales. Unique héritière. Tout reposait sur elle, sur ses épaules, ses frêles épaules de petite fille sage.
"_C'est minable, Gabrielle ! Médiocre ! Plus fort !
A douze ans, alors qu'elle avait failli mourir dans l'un des nombreux entraînements, Gabrielle s'emporte. Elle le hait. Les hait. Hait.
Elle ne sera pas rattrapable. Pas sauvé du gouffre où elle tombe.
Le jardinier, la trentaine, la vingtaine ? matte férocement son corps de pré-adolescente, s'attarde sur les rondeurs précoces de ses petits seins. Ils font l'amour à deux reprises dans le garage. Et Gabrielle vomira deux jours durant.
Californe. Quinze ans. Les vacances, la plage, le sable chaud. Fortement découverte par son microscopique bikini, Gabi mache vulgairement, sensuellement un chewing-gum dont elle s'amuse du bout des doigts. Le maître nageur, haut perché la regarde. La fixe. La matte. Le cheveu court, brun, il exhibe fièrement son torse nu, musclé, d'où découlent de nombreuses gouttes d'eau. Beaucoup même.
Il vient de New-York, près de chez elle. Il a quitté le lycée, y'a deux ans, saoulé parce qu'il avait pas eu son bac, saoulé parce qu'il était exilé, saoulé parce que les artistes sont incompris, saoulé parce qu'il était incompris, saoulé parce que la life it's a big shit, saoulé parce que...
Elle l'a embrassé, pour le faire taire, et encore une fois c'est parti en "live". De partie de jambes en l'air en partie de jambes en l'air, Gabrielle s'attache à cet imbécile. Elle se croit amoureuse, ne veut plus le quitter. Elle ne rentrera pas à New-York.
Kyle. Toujours raté. Toujours idiot. Toujours "saoulé." Toujours incompris. Il deale. Fallait bien trouver quelque chose pour survivre. La petite Gabrielle, petite copine, reste pourtant. Elle refile de la coke aussi, de l'héroïne. Ca lui arrive d'en passer par petite quantité, également, en les avalant. C'est dangereux. Presque autant qu'avoir fuit son père. Et elle aime ça. Quand elle est camée, elle le laisse faire tout ce qu'il veut. Y'a tellement de merde, ils sont tellement dans la merde, surtout, qu'il le faut bien. Alors elle fait le tapin, dans le vague, enchaîne sur le porno, sans le savoir. C'est quand elle se réveille dans les bras d'un inconnu, qu'elle se rend compte de ce qu'il lui fait faire. Mais c'est parce que ça. Parce que si. Parce qu'il est saoulé par tout. Elle l'aime quand même.
Dix-sept ans. Décembre. Les rues de Boston sont pavées de neige. Gabrielle a un mal de tête affreux. Doucement, elle se réveille, se lève. Et c'est le choc. Un des avocats de son père se rhabille, à ses côtés, assis sur le lit. Il lui jete ses vêtements à la figure, lui demande de se rhabiller elle aussi. Il tire des billets de son imposant porte-feuille de cuir, les lui lance aussi. Il l'a reconnue, l'insulte un petit coup tandis qu'elle dégage en pleurant.
C'est à cet instant qu'elle s'en est rendue compte.
Las Vegas. Dans la Spyder noire de Kyle, elle roule, dévore kilomètres sur kilomètres sans faire aucune pause. Ses lunettes de soleil rouges rabaissées sur ses yeux d'ambre, elle glisse sur les routes. Jusqu'à ce qu'on l'arrête. Banal contrôle. Oui, c'est la routine. Pourtant, elle est dans la merde. Ils viennent de trouver la cam, le flingue, le fric. Tout ce qu'elle a piqué à Kyle. Dans la merde, gravement.
Une fois encore, au volant d'une voiture, cheveux aux vent, Gabrielle déboule, roule sur les routes.. Elle n'est plus toute seule.
"_Gentil de la part de ton père de nous avoir fait libérées de taule !
_Non...C'est interessé. Il veut que je revienne à New-York. Mais je vais plutôt me barrer. A moi Miami...
_A nous Miami, tu veux dire !
_Ouais... A nous, Jenny.
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