inermis.narkheim Tu veux le rencontrer ? Tchat avec lui !

Description

Les yeux rivés à l’horizon orageux, les lames de la bise fouettant les arêtes de son visage, le seigneur Inermis patientait. Quelque part, les croassements sinistres des corneilles faisaient écho aux cliquetis brutaux des lames entrechoquées. Le ciel était une fusion de nuit d'orage et d'éclipse de lune, déchiré par les éclairs et déformé par l'étrange jeu lumineux des deux lunes se croisant. Ce soir, Icrène était en fureur, et ses légions faisaient trembler le sol à intervalles réguliers.

Un frisson de l'air annonça l'arrivée des messagers, la coutume voulait qu'ils soient trois. L'un après l'autre, ils se matérialisèrent soudain, face à leur maître, et posèrent un genou en terre. C'était de vilaines créatures, à moitié aussi grandes qu'un humain, morphologiquement semblables à ces derniers, hormis les ailes de cendres que leurs hanches portaient et leurs visages déformés et grinçants. Ceux-ci, sur un geste du Lord, relevèrent la tête et prirent la parole, de concert, comme le voulait la coutume :

"- Monseigneur, le Pyrarque Orphyse vous fait dire que son front droit est tombé, et requiert votre assistance.
Les autres appellent à une charge dès à présent, ceci pour tenter de repousser l'ennemi dans ses propres lignes
par la surprise, et de gagner ainsi sur cette parcelle de lune, ils précisent également que l'assaut actuel sans cette
contre-offensive massive risque de voir le jour se lever avant d'être résolu. Quels sont vos ordres ?"

Le Désarmé reporta à nouveau son regard émeraude sur le conflit qui s'étendait sous ses yeux, songeur, et ramena distraitement en arrière quelques mèches d’un blond si pur qu’on eut cru des fils d'or, et que le vent se plaisait à entremêler. Ce n'était point sa première guerre, loin s'en faut, mais au vu des récents événements qu'avait provoqué le nouveau cycle onirien, nul doute que l'issue de celle-ci s'avérerait majeure pour l’avenir d'Icrène, et donc par extension, des royaumes de la Roue. Un instant, il se laissa entraîner dans les abymes du souvenir, et les messagers, pourtant pressés par leur besogne, retinrent leur souffle.

Voilà bientôt cent ans que le Lord avait fait son apparition, sans que quiconque puisse déterminer son origine. Dans les salons d'Opale, on murmurait parfois qu'il était fils de la Lune, et que la Roue elle-même l'avait engendré, par nécessité. Bien qu'au courant de ces rumeurs, jamais il ne les avait confirmé ni infirmé. On raconte qu'un sourire avait simplement ourlé ses minces lèvres violines. Cela dit, et malgré la méfiance qu'il avait pu engendrer dans les hauts cercles, il s'était vite imposé comme un excellent tacticien, un redoutable combattant et un diplomate avisé. Ses domaines furent la Nuit et la Chasse, ses couleurs le rouge et le noir, et personne ne songea plus à contester ses droits une fois qu’il fut consacré. Ceci fait, il sembla disparaître du devant de la scène, rentrant dans le rang des puissants, et les bruits à son propos s'éteignirent aux comptoirs des tavernes mal famées, et dans les boudoirs des salons opiacés. Il avait amené son titre avec lui, fut donc surnommé le Désarmé, et accepté comme tel par la populace d'Icrène. La seule légende qui persista à son propos fut que la bataille du Renouveau annoncerait sa chute, et qu'au Matin des Morts, comme est surnommée la fin d’une guerre en Icrène, les combats n'ayant lieu que de nuit, on aurait beau chercher son cadavre parmi les dizaines amassés qu'on ne trouverait rien. Cette guerre-là même qui battait son plein.

On comprend donc aisément que les messagers ne souhaitèrent l'importuner dans ses errances mentales, mais le son des Cors du Haq s'en chargea, alors que ce dernier tranchait avec la règle et lançait ses troupes à l'offensive sans attendre ses pairs. Laissant échapper un juron ayant trait à une courtisane célèbre de l'ère précédente, le Lord se tourna vers ses messagers, rajusta son armure d'orichalque, et s'emparant du dangereux fléau d'harmonie qui traînait à ses pieds leur parla ainsi :

"-Bien, retournez à vos maîtres, le temps n’est plus aux palabres ! La Lune Rouge marchera aux cotés d’Orphyse
et cette aube vous verra triompher, mais pour l'heure, à la charge !"

Et ayant ainsi parlé, le bretteur d'un bond dévala la colline sur laquelle il s'était tenu, entouré des flèches rouges de ses chasseurs d'élite, rejoignant la mêlée proche qui tendait à s'épaissir, avant de disparaître sur un cri dans le chaos des épées. Perplexes, les messagers s'entreregardèrent, avant d’ouvrir leurs appendices cendrés, disparaissant sans un bruit dans l’éther souillé.

Ce soir, la lune Icrène était rouge.