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A propos de sudrel

Paysan , 34 ans , Homme
Etait en ligne il y a plusieurs jours

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Scolarité Diplôme de 2e ou 3e cycle universitaire

Description

"Le brouillard noyait encore la vallée d'un voile gris fantomatique. On distinguait avec peine l'entrée du défilé. Seul point de repère à l'est de ce promontoire, les cimes des plus grands sapins de la lointaine forêt dépassaient de cette mer de brume. Surplombant la vallée du haut d'un des plateaux, une trentaine de cavalaiers semblaient attendre, le regard fixé vers le fond du défilé.

Dignes et grisâtres comme des statues, emmitouflés dans leurs fourrures de loup, leur lances pointées vers le ciel, ils arrivaient presque à se confondre avec les rares bosquets voisins. Les traits tirés par la fatigue, les joues creuses et la barbe hisurte, ces guerriers donnaient pourtant l'impression d'être des fauves à l'affût, des tigres prêts à sauter sur un daim égaré. La tension nerveuse contractait leurs muscles noueux. Ils n'attendaient qu'un signe pour réveiller la bête de combat qui sommeillait au plus profond d'eux-mêmes.
Par instant, sous l'effet d'un coup de vent, leurs fourrures en loques se soulevaient, dévoilant les stigmates des batailles passées : plaies grossièrement rafistolées par des sutures de fortune, muscles déchirés maintenus en place par de maigres morceaux d'étoffes... Autant de preuves de souffrance qui couraient le long des corps, dessinant une fresque abstraite sur leur peau tannée. Pas un de ces braves n'avait été épargné, mais aucun ne se plaignait.... D'un silence teinté de peur et de respect, ils continuaient d'observer leur maitre de guerre...

Légèrement en avant de ses troupes, Sudrel, leur guide, laissait transparaître des signes évidents de nervosité. A intervalles réguliers, il lançait des regards anxieux à ses hommes disposés sur l'autre versant de la vallée. Là, en face de lui, sa cinquantaine d'archers, aussi stoïques que les cavaliers, se tenaient bien alignés, une flèche encochée. Méthodiques, ils avaient minutieusement planté deux autres flèches dansle sol, à leurs pieds.

Crispé, les jambes tendues à l'extrème dans ses étriers, le buste en avant, Sudrel plissait des yeux à la recherche d'éventuels mouvements ennemis. Même s'il ne les voyait pas, il pouvait les sentir. Cent fois, il avait dirigé ce type d'embuscade. Cent fois, il n'avait laissé que des carcasses pourissantes sur son passage.

Au fil du temps, l'excitation précédant le combat avait fait place à une sorte de routine : il entrait dans la bataille comme le paysan sème larécolte, calmement et machinalement. Pourtant, aujourd'hui, il frémissait. Le froid sans doute. Il n'y avait pas de raison d'avoir peur...

Et pourtant... "
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Le Boyau Blanc

Ce couloir blanc cassé puait la mort. Une odeur que l'on n'oublie jamais, la plupart du temps quand on a fait un séjour à l'hôpital en tant que patient ou comme visiteur. On avait beau tout passer à l'eau de javel, elle restait encrée dans les murs comme un cancer qui ronge une carcasse.
Un homme en blouse blanche, grand, propre sur lui, le crâne dégarni, me précédait en tenant sa planche de note sous le bras. Nous traversâmes ce corridor tourmenté par des râles inhumains, par des gémissements grinçants comme des portes de placards. Ces portes qui ne devaient jamais être ouvertes aux yeux de tous. J'avais alors le privilège de pénétrer le milieu si clos du Grand Asile Psychiatrique de l'Etat.
-Ici sont enfermés des criminels, la plupart meurtriers, pédophiles ou tueurs en séries, ayant grandement besoin d'un suivi psychologique et d'un « traitement » particulier.
L'homme en blanc ne s'était pas donné la peine de se retourner et continuait d'avancer. Que pensait-il ? Que je ne savais pas ce qu'était un Asile d'Etat ? De chaque côté se trouvaient, séparées par quelques mètres d'intervalle, des portes blanches, pourvues d'un petit hublot boulonné. Derrières ses portes, les internés étaient claustrés comme les curiosités d'un cirque. Alors que mon regard ne cessait de virevolter sur les moindres détails de cet environnement aseptisé, l'homme en blanc s'immobilisa devant une cellule si promptement que je me cognai à lui et faillis en perdre mon calepin et mon stylo. Il me regarda avec dédain, comme s'il allait m'exécuter, et un tic nerveux souleva sa paupière gauche. Il inclina la tête en direction de la porte encastrée dans le mur. Sortant un petit boîtier nacré de sa poche, il pressa un petit bouton qui s'y trouvait planté comme un appendice disgracieux. Le hublot s'illumina, l'homme en blanc venait d'embraser la geôle psychiatrique. Il jeta un coup d'œil à son occupant tout en débitant son discours. Ses yeux allaient du « patient » à sa planche de note.
-Je vous présente notre sujet préféré, le n°32. C'est un cas spécial comme on en rencontre peu. Il souffre de crises d'hallucinations et de délires. Il a tué une bonne dizaine de personnes, des jeunes femmes, toutes de dix-huit ans. Le plus surprenant est qu'il a tout consigné dans son journal, comment il a rencontré ses victimes, sa façon de « procéder » avec elles, le lieu où il a laissé leur dépouilles. Il s'est rendu tout seul ici, en élucubrant des histoires sans queue ni tête. Il est maintenu sous sédatifs...en attente d'une condamnation.
Il se recula enfin pour me laisser apercevoir le sujet. Un homme, torse nu, était attaché à une chaise dans une pièce capitonnée d'un blanc douteux. Des taches rougeâtres et jaunâtres, que le personnel d'entretien n'avait pas réussi à ravoir, témoignaient comme autant de preuves gravées dans le tissu de l'insalubrité des lieux. Trente-deux était efflanqué comme un vieux loup affamé. Du vieux loup, il tenait aussi des cheveux grisonnant mais ne paraissait pourtant pas très âgé. Les pommettes saillantes et les joues creuses, mal rasé, il me fixait, le regard nébuleux et hanté. Il sembla s'agiter mais l'effet des calmants le clouait visiblement à son siège. La lumière disparut et Trente-deux retourna à l'ombre. L'homme en blanc reprit sa marche et je le suivis plus avant dans ce couloir sinistre. Au fond une porte noire me fit l'effet d'un électrochoc. C'était la pièce où on piquait les internés comme des animaux dangereux. Ce couloir digérait ces « hommes » à la manière d'un intestin géant, éburnéen. L'homme en blanc bifurqua à droite dans un nouveau couloir menant à une grille verrouillée. Celle-ci se trouvait être gardée par un homme à la mine patibulaire dont le crâne rasé était flanqué d'une petite paire de lunettes ronde. Icelui avec son air renfrogné de taulard me dévisagea comme si j'étais un tas de merde. Il s'approcha de la grille et sortit de la poche ventrale de sa salopette blanche un trousseau de clefs. Il en fit jouer une dans la serrure et fit flancher, sous sa volonté et à grands renforts d'injures, le mécanisme récalcitrant. Le gémissement métallique de la grille à la peinture écaillée était typique des portes de prison et cela me fit pouffer. Le maton au crâne rasé me foudroya du regard, le prenant sûrement pour son compte. On aurait presque dit un pensionnaire. Je suivis mon guide dans les interminables méandres du dédale psychiatrique que formaient les enchaînements de couloirs et de bureaux. Je n'aurais d'ailleurs pas été capable de sortir si on ne m'avait pas raccompagné. Enfin son bureau, terminus tout le monde descend. Une petite plaquette en bronze trônait fièrement sur la porte mais étrangement, rien n'y était gravé. On ne me laissa pas l'occasion de me pencher sur la question car on m'invita dans un petit cabinet avec un petit bureau couvert de grosses piles de papiers, des monticules de rapports et de diagnostics psychiatriques.
-Vous avez des questions ?
Je le vis s'impatienter et décidai donc de mettre un terme à ma visite. Je lui demandai juste de pouvoir jeter un coup d'œil au journal du sujet n°32. Il soupira et me fixa comme si j'étais un abruti total. Il faillit s'étouffer quand je formulai une demande d'emprunt, puis acquiesça en me désignant la sortie. Il ne devait pas craindre que je vole le journal ou que je l'abîme, mais que je revienne pour lui rendre.
Le blang tonitruant de la lourde porte d'entrée en fer me fit sursauter. Au-dessus de ma tête, le ciel gris me menaçait de son doigt brumeux et au loin faisait entendre sa complainte comminatoire comme s'il vivait ses derniers instants, avant de crouler sous son poids.
Je verrouillai la porte de mon appartement, les cheveux ruisselants. Empoignant ma sacoche, je l'ouvris et en sortis le petit carnet à la couverture de cuir et reliée de fil blanc. Il était sacrement usé, écorné comme un vieux manuscrit prophétique. Alors que j'allais le poser et quitter mon manteau, je sentis dans ma main et tout le long de mon avant bras des battements réguliers semblables à ceux de mon cœur. Seulement en plaquant mon autre main autour de ma gorge, je pus nettement discerner deux martèlements distincts, l'un à contre temps de l'autre comme si j'étais une femme enceinte. Une sueur froide me dévala le dos à toute vitesse et disparut dans le creux de mes reins. Le journal me sauta des mains pour aller s'étaler de tout son long contre le parquet avec un « pouf » étouffé, presque indiscernable. Désormais seuls les battements de mon cœur résonnaient dans ma tête comme des tambours tribaux. Les coups de mon palpitant affolé contre ma cage thoracique se calmèrent alors que je prenais une profonde respiration. La fatigue me taraudait et me jouait des tours, je n'avais pas dormi depuis que le chef m'avait refilé l'affaire du plagiaire. Un psychopathe avait décidé de remettre le couvert en copiant les méthodes de Trente-deux. Sauf que chercher un tueur en série était comme tenter de trouver un sens à sa vie, on se rend compte du travail accompli que quand on le trouve. Ma vie elle n'avait toujours pas de sens, elle était même minable. Le crissement de mon robinet et cette fraîcheur revigorante sur mon visage me fit un peu oublier mes soucis. De retour au salon, je fut ahuri de ne plus trouver le journal affalé sur le sol.



Aujourd'hui encore, je ne me souviens pas l'avoir posé sur le bureau.


Me tapotant les joues et en clignant des paupières à tout va, je regardais le journal, assis sur ma chaise, isolé dans mon Cosmos comme sur une planète désertée de toute vie. J'ouvris le journal d'un geste sec et entamai la lecture. Cette pochade macabre recelait tous les secrets de Trente-deux comme un tombeau enfoui dans les méandres du cerveau humain. J'allais de procédés abjects en descriptions infâmes. Rien qu'à imaginer ce que ces jeunes femmes avaient subi, mon estomac me faisait l'effet d'un sablier rempli de poudre d'os, que l'on retournait sans cesse avant l'échéance finale.
Celle-ci arriva sournoisement, m'assénant un coup sur la nuque et me plongeant dans un sommeil si ... inévitable.



Je vais désormais passer le reste de ma vie attaché à cette chaise comme un chien à un poteau.


Le journal m'avait fait dormir une semaine durant, à mon réveil, j'étais couvert de sang. J'étais tellement terrifié, perclus de sentiments contradictoires, joie, peur, fierté, honte. Et cet homme en blanc, ce fou qui, quand je vins lui rendre le journal, fit semblant de ne pas me reconnaître, cet enfoiré qui est la cause de mon état. On m'a reconnue coupable de trente-deux meurtres atroces. On m'a dénommé le Tueur à la plume, ironie du sort pour quelqu'un qui ne se tapait que des piteuses en rédaction. Je me retrouve dans cette chambre jaune pisse, amoindrie, maigre comme ce loup en faim de vie, les cheveux grisonnant et bientôt blancs. Je reste mes journées, hagard, à fixer ce hublot qui se projette sur mon visage comme un soleil en pleine nuit. Le chauve en blanc se pointe, cet enfoiré, il me regarde comme un singe de laboratoire. Alors que l'air s'enflamme, mes pupilles se rétrécissent au maximum en une vive douleur, comme si on vous marquait la rétine au fer rouge. Il parle comme à son habitude puis s'écarte.
Comment connaître l'horreur à l'état pur ? Celle qui vous déchire les intestins, celle qui rompt votre cœur, celle qui perce votre vessie. Ce jour là, je me suis vu dans le hublot, mon moi d'avant avec ses petits cernes sous les yeux. J'essaie de hurler mais rien ne vient. L'obscurité s'infiltre de nouveau dans ma prison et la peur quitte mes veines.


Mon cœur cesse de battre.

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Frimas Céleste

Un tollé, c'était un véritable tollé. On aurait pu penser que les sombres nuages, se bousculant dans le ciel comme un troupeau de moutons noirs et grondants, m'acclamaient. Non bien sûr, ils m'exhortaient manu militari à rentrer chez moi. Je refermais la porte sur le roulement de l'orage comme sur une meute de chiens enragés. Alors que je me plaquais contre la porte, harassée et trempée, le tonnerre tonna d'une détonation taciturne, comme étouffée, mais la maison en fut ébranlée. La porte trembla dans mon dos, si fort que des gouttes perlant alors sur mes longs cheveux blonds furent projetées dans le vide, abandonnées à un triste sort. Je ne pus m'empêcher de pleurer et le fruit de mes chaudes lamentations vint bientôt côtoyer les froides larmes du ciel qui jonchaient ma peau pâle comme autant de cadavres putrescents. Ce ciel si gris, si noir, si absolu ne cessait de me torturer depuis quelques temps. Mes jambes se changèrent en coton et se dérobèrent sous moi. Je tombai à genoux, vulnérable, minuscule et impuissante. Car on ne peut rien contre une volonté supérieure, presque divine. Des rafales assassines venaient se briser contre ma fenêtre, elles n'attendaient qu'une chose, que je ressorte. Il ne leur suffisait plus de me tarauder chez moi, dans mon lit, m'interdisant tout repos, il fallait désormais qu'elles viennent m'agresser jusque dans la rue, affûtées qu'elles étaient, comme des dents de scie. Un flash me vrilla les rétines puis une puissante déflagration, comme si la terre venait de s'ouvrir en deux, me transperça les tympans. Ce fut après comme un silence de mort si ce n'était ce petit sifflement désagréable qui ne s'estompe que quand l'envie lui passe. Une semaine, cela faisait une semaine qu'un voile d'apocalypse avait recouvert le ciel. Il faisait toujours sombre comme dans un trou... plutôt comme en un sépulcre. Je ne percevais plus les battements de mon cœur, dans la rue je n'entendais même plus le bruit de mes pas, de la ville, des voitures, je ne distinguais plus le coulis de l'eau dans ma baignoire du fracas de celui de la pluie sur mon toit. Un grondement lointain, différent de celui de l'orage persistait. Seul le son de ma respiration chuintante coexistait avec celui du ciel. Ce fut une semaine de gênes, que dis-je ce fut une vraie géhenne. Non je ne devenais pas folle, non, non loin de là, les éléments traversaient les murs et venaient me laminer, lapider mon esprit. Mon pantalon était trempé et je remarquai avec effroi qu'une large flaque « d'eau » me ceinturait de toutes parts. Cette fange impure et maligne venait de s'infiltrer avec sournoiserie jusque sous mon toit. Prise de panique je tentai de m'enfuir, en vain, mon pied dérapa en bas de la marche et je me cognai violemment la tête contre le carrelage.

Depuis une semaine, je n'avais pas réussi à fermer l'œil si bien que mon réveil fut difficile, je pense que mon sommeil aurait duré éternellement si Le bruit si oppressant d'un goutte-à-goutte n'y avait pas mit un terme. Je me relevais avec un mal de crâne atroce, mon arcade était ouverte mais le sang ne coulait plus. Je ne put retenir un hurlement en voyant la couleur écarlate de mon visage dans le miroir du salon avant de comprendre qu'elle émanait de ma plaie au visage. Je me retournais vivement vers la porte. La fange diabolique avait disparu, me laissant sûrement pour morte, à sa place trônait seulement une large tache noirâtre comme si la mort en personne s'était affalée contre le bois de la porte. Combien de temps étais-je restée inconsciente ? Je n'en avais aucune idée. Le bruit de la pluie fracassante sur mon toit s'était envolé. Seul restait ce plic-ploc régulier. A ma fenêtre le ciel était toujours noir, il devait guetter mes faits et gestes et n'attendait qu'une chose pour reprendre son assaut, je ne savais pas laquelle. Je me dirigeai vers la source de Ce bruit car si je n'y mettais pas un terme, je deviendrai folle. Le ciel prenait un malin plaisir à faire des choses les plus communes, des objets de tortures. Dans la cuisine, le robinet était fermé, cela semblait donc venir de l'exterieur. Je me dirigeais alors vers la porte menant sur la cour intérieure. La poignée était si froide que mon sang sembla se glacer dans mes veines et une fois la porte ouverte, elle était déjà tout engourdie. Alors que je me frottais les mains, je pénétrai dans cet environnement qui s'était montré si hostile mais qui paraissait désormais si calme. Je remarquai alors avec horreur que Le bruit avait cessé. Ma respiration se fit haletante mais un silence de mort persistait en ces lieux. Le son de me pas ne résonnèrent pas contre les murs gris comme si j'errais sur un linceul de cauchemars. Je levai la tête en l'air, regardant cette voûte cotonneuse et sombre, l'implorant intérieurement de faire cesser tout cela. La réponse fut rapide et ce fut un frimas qui s'abattit sur mes épaules, me faisant ployer sous le fardeau de mes fautes. Mes vêtements et ma chevelure encore trempés me firent l'effet de pics de glace transperçant ma chair et je crus mourir. Mon corps transi était plaqué à terre et des convulsions le faisaient se révulser dans tous les sens. Je ne pus m'empêcher de vomir ma bile sur les pavés froids de ma cour intérieure. Ce fut comme vomir mes propres entrailles. Je me traînai jusqu'à ma porte tandis que le brouillard s'épaississait et me dérobait la vue. C'est avec la force du désespoir que je parvins à m'extirper de ce piège atroce et à refermer la porte avec un fracas imperceptible. Je retirai mes habits avec une frénésie grelottante. Je me retrouvai alors nue, ne constatant pas à quel point j'avais maigri. Un picotement me parcourut l'échine et me retournant, je constatai avec terreur que des volutes de brumes passaient sous la porte de derrière comme la fumée d'un incendie détruisant tout sur son passage. Si je restais ici, j'y resterais pour toujours. Je courus vers la porte d'entrée, l'ouvris, puis sortis dans la rue. Je continuai de courir sans me retourner dans les venelles désertes de la ville. L'air devenait oppressant et respirer se faisait de plus en plus difficile. Au loin, l'éther semblait s'être embrasé et c'est comme si une fournaise brûlait dans le firmament. Des voitures aux portières ouvertes jonchaient les rues et à côté de moi, une valise éventrée, vomissait son contenu sur le béton. Je me remis à courir pour m'immobiliser au milieu d'un carrefour dont les feux de signalisation clignotaient orange. La pluie tomba alors du ciel et me prit au dépourvu, sans défense, comme pour me donner le coup de grâce, appliquer la sentence. Je tombai à genou, gémissante, impuissante, levant les mains au ciel comme pour le prier d'en finir au plus vite. Je fermai les yeux et l'impact des gouttelettes cessa instantanément. Me croyant morte, je desserrai les paupières. Il volait dans l'air une pléiade de flocons grisâtres. Ils maculaient mon corps et mes cheveux en s'y écrasant comme partout aux alentours. En me frottant les joues, mes doigts se souillèrent d'une pellicule d'un gris sombre comme de la suie. De la cendre, de la cendre tombait du ciel. Une quinte de toux interminable se mit à supplicier ma gorge et mes poumons, tellement que respirer même me faisait l'impression d'avaler de l'huile bouillante. Le sifflement strident dans mes oreilles reprit alors et en un instant se fut comme si une plaque de plomb se décollait de mes tympans. Mon ouïe revint alors d'un seul coup. Une sirène d'alerte élucubrait sa prophétie de mort dans toute la ville. Sans répit, des haut-parleurs répandaient sa vérité dont les bâtiments se faisaient l'écho. Au loin le bruit de la fournaise approchait et se fut le dernier son qui me parvint.
Moi qui étais sourde aux avertissements du ciel, je m'étais retrouvé sourde à toutes autres formes de conjurations.

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